Une autre Elle- Petit texte improvisé sur photo- 2023

Elle

Elle, tête dans le guidon, ne faisait que lister les problèmes.

Elle conduisait comme chaque jour sur cette route qui ne la surprenait jamais. 

Son pilote automatique était plus performant que laisser couler ses ruminations.

«  J’ai bien fermé la porte ? J’ai bien fait le virement à Madame YETE Marie ? Sophie m’a sûrement trouvée incompétente hier avec le client de la caisse 3. Et Clément ce soir, il va encore essayer de me peloter plutôt que de m’écouter… Il va me trouver grosse c est sûr… Je l’ai vu l’autre jour avec Cindy… C’est sûr qu’elle donne plus envie que moi avec mon physique proportionnel à mes problèmes. Enfin bon, de toute façon les mecs s’ils peuvent « baiser» ils ont les priorités qui partent en cacahuète ».

Dans sa voiture qui lovait le goudron, elle restait tête dans dans le guidon.

De ruminations en ruminations, les étouffements superficiels se sont enfoncés dans son âme chancelante.

«  Et pourquoi je passe mon temps à me plaindre ? Pourquoi je me sens toujours là moins aimée ? Pourquoi j’ai toujours cette rage en moi qui est tombée perpétuellement en amour avec ma profonde désespérance ? Pourquoi je ne suis pas comme Clément qui a le super pouvoir de ne penser à … RIEN ? Pourquoi Cindy avec ses seins de Loana ( jeune) et son QI de poule bourrée est capable de me rendre folle de jalousie ?».

D’un coup, elle sentie une larme creuser son visage. Elle s’enfonçait dans ses infernales pensées.

Et puis, du coq à l’âne ( pas Théo), le direct des sensations l’a sortie de son état. 

Elle sentie alors la main de Sarah caresser son visage en emmenant ses larmes de conductrice désespérée. 

Ce geste doux, rassurant et si instinctif lui rappela sa chance sublissime d’avoir cette soeur. Cette soeur qui pour la première fois partageait ce trajet. Et, comme si les planètes de sérotonine ne s’étaient pas assez alignées, Sarah, silencieuse et délicate souleva le menton de sa partenaire génétique. Et là, déjà renforcée par cette chaleur fraternelle, elle fut enveloppée par ce coucher de soleil envoûtant. Le rouge-orangé, la rondeur de ce soleil somptueux faisant fondre ses plus beaux faisceaux l’envahissait jusqu’à ses entrailles. Le voyage routinier devenait alors une phase rayonnante d’amour. Une phase où la beauté de la vie couplée à la beauté du cœur donnaient un morceau de sens ; un morceau de vie qui compte. Elle émis un «  merci la vie » et pour quelques minutes elle était à sa juste place.